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Alzheimer, Parkinson : le microbiote intestinal et les facteurs environnementaux en première ligne

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Alors que les maladies neurodégénératives comme Parkinson et Alzheimer connaissent une progression fulgurante dans la population, les recherches se précisent sur leur origine. On pointe du doigt notamment les toxiques environnementaux, le stress oxydatif, une immunité déréglée et le syndrome métabolique. Mais d’autres coupables montrent depuis peu le bout de leur nez : quel rôle jouent dans ces pathologies très invalidantes la flore intestinale, le stress chronique et les infections à bas bruit ?

À ce jour, 35 millions de personnes dans le monde seraient touchées par la maladie d’Alzheimer, dont 860 000 en France. Elle se caractérise par une dégénérescence des neurones nettement plus rapide que le vieillissement normal. En cause, l’accumulation de protéines dénaturées appelées bêta-amyloïdes, qui désorganisent la structure des fibres nerveuses. La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neurologique la plus fréquente après Alzheimer. Elle concerne à ce jour 6,3 millions de personnes au niveau mondial et plus de 150 000 en France. Parkinson correspond à la dégénérescence des neurones dopaminergiques, chargés notamment de coordonner la réponse motrice, causée par l’accumulation de la protéine alpha-synucléine. La recherche récente suggère que ces maladies prennent naissance hors du cerveau, qui serait leur point d’arrivée et non de départ.

Directement impliqué dans le vieillissement prématuré et les maladies dégénératives, il y a d’abord le stress oxydatif, c’est-à-dire une explosion de l’activité des radicaux libres qui dépasse nos capacités antioxydantes. Les toxiques environnementaux et la réponse immunitaire chronique y sont pour beaucoup. Les effets de de ce stress oxydatif sur la cellule sont :

l’altération des mitochondries (les centrales énergétiques des cellules)

l’altération de l’expression génétique et de la synthèse des protéines

l’inactivation de certaines enzymes

la rigidification ou la porosité des membranes et l’inactivation des récepteurs.

Voici en résumé le kit parfait pour aller vers la dégénérescence neuronale.

Seulement voilà : les radicaux libres ne sont que l’arme du crime. Lorsqu’on remonte les traces de pas laissées par le meurtrier, celles-ci nous conduisent à l’intestin où les bactéries ont l’air trop bien tapies dans les villosités pour avoir la conscience tranquille. À moins que le contexte que nous leur imposons, à savoir une mauvaise alimentation, différentes pollutions et un stress chronique, ne les pousse à la faute. Enquête.
Intestin ou cerveau, qui a commencé ?

Vous connaissez l’appellation de « deuxième cerveau » pour l’intestin et celle-ci n’est pas volée, même si la réalité va au-delà. Système nerveux et écosystème intestinal vont en effet à la rencontre l’un de l’autre au point de s’imbriquer. On rencontre ainsi des protéines chargées de l’entretien des neurones du cerveau (appelés des facteurs neurotrophiques) qui régulent la physiologie intestinale. Réciproquement, des neuropeptides produits dans l’intestin influencent le cerveau. Le microbiote (l’ensemble de nos bactéries intestinales) est même capable de moduler l’activité des récepteurs NMDA, connus pour leur implication dans les douleurs neuropathiques mais qui sont aussi nécessaires à la neuroplasticité et aux mécanismes de la mémoire.

Les dépôts de protéines dénaturées au cœur du cerveau sont-ils une cause ou une conséquence de la maladie ? Ces protéines sont-elles les marqueurs d’une infection ? Les chercheurs se sont rendu compte que les protéines incriminées sont présentes dans l’intestin des années avant l’apparition des symptômes d’Alzheimer. Elles semblent ensuite remonter, par voie nerveuse, vers le cerveau. Les protéines curli par exemple, produites par la bactérie E. coli, ont été associées à l’apparition de protéines amyloïdes dans le cerveau. Alors comme d’habitude, on a joué avec le microbiote des souris pour en avoir le cœur net. Des souris axéniques (dont l’intestin stérilisé a été privé de microbiote) ne produisent pas d’amyloïde, même quand on leur injecte des protéines curli. En revanche, sitôt que l’on transfère les bactéries des souris malades à des souris axéniques, ces dernières se mettent à produire des protéines amyloïdes dans l’intestin mais aussi dans le cerveau. À ce stade, on ne peut toujours pas accuser les bactéries en tant que telles, mais leur présence semble nécessaire pour que le crime ait lieu…

Des chercheurs italiens et suisses, dont les travaux ont été publiés en 2017 dans la revue Neurobiology of Aging, ont quant à eux découvert que le microbiote intestinal des personnes présentant des dépôts de protéines amyloïdes était riche en bactéries stimulant l’inflammation, tandis que le microbiote des personnes qui n’avaient pas ces dépôts était au contraire riche en bactéries anti-inflammatoires. En cause, probablement : des acides gras à chaîne courte (AGCC) agissant sur le système nerveux central, provoquant une augmentation des cytokines inflammatoires et favorisant l’agrégation d’alpha-synucléine. Ce qui peut surprendre ici, c’est que les AGCC en question sont des métabolites habituellement produits par la bonne flore intestinale. Mais il est possible d’avoir trop de bonnes bactéries : cela s’appelle le SIBO (Small Intestine Bacterial Overgrowth), et il se trouve justement mentionné dans plusieurs études sur Parkinson. Le SIBO est beaucoup plus fréquent chez les parkinsoniens, et le traiter améliorerait les symptômes de la maladie. Une piste à surveiller.

Pourtant, une dysbiose (déséquilibre qualitatif et quantitatif du microbiote) ne suffit pas à provoquer des troubles moteurs. Il doit déjà y avoir une production d’alpha-synucléine, que la dysbiose ne ferait qu’accentuer. Une expérience a par exemple montré l’augmentation de l’alpha-synucléine chez des souris ayant reçu le microbiote d’un humain parkinsonien. L’opération est réversible à loisir, montrant bien l’implication du microbiote. Il y a peut-être là un avenir pour des méthodes thérapeutiques novatrices comme la transplantation de microbiote. L’Institut de Technologie de Californie, entre autres, y travaille. Pour l’université de Chicago, la stratégie qui se dessine associe un traitement anti-inflammatoire au rééquilibrage du microbiote.
Des agents infectieux impliqués

Lorsque nous parlons de maladie infectieuse, nous pensons immédiatement à quelque chose d’aigu et de limité dans le temps. Aujourd’hui, nous découvrons les « infections froides », accompagnées de phénomènes physiologiques à bas bruit qui perdurent tant que le contexte s’y prête. Des bactéries peu virulentes peuvent provoquer des troubles chroniques chez les personnes dont le système immunitaire fonctionne mal. Que les maladies neurodégénératives entrent dans un tel cadre n’a désormais plus rien de saugrenu.

Les protéines dénaturées qui s’accumulent dans le cerveau des malades d’Alzheimer et de Parkinson entraînent une inflammation cérébrale chronique et une suractivation des cellules microgliales, spécialisées dans le soutien logistique du cerveau. Vraisemblablement, le système de réparation ne parvient pas à terminer sa tâche et s’emballe, devenant lui-même acteur de l’aggravation, à l’instar de ce qu’on observe dans l’arthrose par exemple. Le fonctionnement de la microglie semble pouvoir être perturbé par des polluants environnementaux comme les pesticides, par des agents infectieux (la borréliose de Lyme est de plus en plus évoquée) et par un terrain biologique oxydé et enflammé.

Des marqueurs biologiques correspondant à une infection ont été observés dans le système nerveux central. Lorsque vous injectez à une souris des lipopolysaccharides – une endotoxine produite par certaines bactéries intestinales et connue pour son activité pro-inflammatoire – la production d’alpha-synucléine augmente et accélère la destruction des neurones dopaminergiques. Les études sur l’homme ont montré que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin favorisent une inflammation cérébrale susceptible de détruire ces mêmes neurones. La maladie de Crohn, par exemple, est aujourd’hui reconnue par de plus en plus de monde comme d’origine infectieuse. En cause, des paramycobactéries cousines de celles qui provoquent la tuberculose. Il se trouve justement que la tuberculose, dans sa forme chronique, entraîne des complications neurologiques. Ces paramycobactéries sont capables d’augmenter la production d’alpha-synucléine qui va migrer de l’intestin vers le système nerveux central et se comporter comme un prion, la protéine dénaturée rendue célèbre par la maladie de la vache folle et qui par effet boule de neige, dénature les autres protéines. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, on soupçonne de plus en plus des liens avec les bactéries B. burgdorferi (borréliose de Lyme) C. pneumoniae (une bactérie également en lien avec l’asthme) et H. pylori (en lien avec l’ulcère de l’estomac).

Enfin, la piste virale. Pourquoi pas ? Nous savons peu sur les virus à ce jour. Des virus comme celui de l’herpès ou d’Epstein-Barr sont des candidats crédibles parce qu’ils ont déjà été identifiés comme pouvant causer des dommages au système nerveux central et provoquer des troubles psychomoteurs. Les malades d’Alzheimer sont souvent positifs au virus herpès HSV1. Rien ne prouve cependant qu’il est la cause de la maladie. C’est peut-être la maladie qui réveille le virus, fréquemment retrouvé « dormant » dans le cerveau des personnes âgées. Après la conquête du microbiote, il est à présent question d’un « virobiote », un pool de virus que nous hébergerions et qui servirait, entre autres, à la régulation du microbiote et du système immunitaire.
Le stress chronique favorise les maladies neurodégénératives

Fléau des temps modernes, le stress chronique conduit aux maladies psychologiques, dont la dépression, c’est aujourd’hui largement documenté. Un autre chemin se dessine tout aussi clairement de la dépression à la dégénérescence cérébrale. L’incidence de la dépression parmi les patients souffrant d’Alzheimer est estimée à 40 %. Selon une étude de l’université de Göteborg (Suède), les personnes les plus enclines à l’anxiété, à l’instabilité émotionnelle et à l’introversion, présentent un risque de développer la maladie d’Alzheimer deux fois plus élevé que le reste de la population. Biologiquement, qu’est-ce que la dépression, Alzheimer et Parkinson ont en commun ? Une surproduction de molécules inflammatoires et un écosystème intestinal perturbé. Les phénomènes physiologiques observés dans ces maladies suggèrent une réponse immunitaire chronique et inadaptée.

Le microbiote agit sur le système nerveux central par trois grandes voies qui se complètent.

Par des métabolites bactériens qui stimulent les cellules nerveuses de l’intestin, l’influx remontant ensuite par le nerf vague.

Par la production de neurotransmetteurs et d’hormones qui sont absorbés dans la circulation sanguine et seront distribuées à tout l’organisme.

Par certains métabolites qui passent par le système immunitaire. Les cytokines empruntent typiquement cette troisième voie.

La nature et l’efficacité de ces différents échanges sont grandement dépendantes de la composition du microbiote. On a constaté, chez l’animal puis chez l’homme, que le niveau d’anxiété varie selon la proportion de certaines familles bactériennes.
Des bactéries intestinales qui influencent la mémoire

Plusieurs expériences ont montré que des souris soumises à un stress subissaient une perte de mémoire, puis la retrouvaient, en fonction des bactéries qui leur étaient injectées dans l’intestin. En route pour des probiotiques qui permettraient le rétablissement de la mémoire ? En 2015, la Society for Neuroscience a mené une étude sur 22 personnes en bonne santé. Pendant quatre semaines, les participants ont reçu une souche probiotique de Bifidobacterium longum ou un placebo. Lorsqu’ils étaient soumis à un stress aigu, ceux qui avaient reçu le probiotique montraient une production de cortisol et des manifestations anxieuses moindres. Une étude de l’université de Kashan (Iran) publiée en 2016, menée en double aveugle contre placebo sur 60 patients atteints d’Alzheimer, a montré qu’une prise de probiotiques (Lactobacillus acidophilus, Lactobacillus casei, Bifidobacterium bifidum, Lactobacillus fermentum) améliorait les fonctions cognitives, en particulier les capacités de mémorisation. Voir également cette étude de 2016 sur probiotiques et Alzheimer allant dans le même sens.
Des liens étroits avec les troubles du métabolisme

Un autre domaine d’action de nos chères bactéries et qui mobilise toutes les attentions, c’est le surpoids, le diabète et les troubles cardiovasculaires, regroupés sous le vocable de syndrome métabolique. L’influence des bactéries sur l’assimilation des nutriments et sur le métabolisme énergétique dépend d’une interaction triangulaire complexe entre l’alimentation, les bactéries et les cellules intestinales. Les derniers travaux scientifiques nous révèlent que certaines bactéries, lorsqu’elles entrent en contact avec les cellules de la muqueuse, provoquent une cascade de réactions conduisant à une résistance à l’insuline.

L’insuline, c’est cette hormone qui permet de faire entrer le glucose dans les cellules. Si les récepteurs cellulaires deviennent insensibles à l’insuline, le sucre reste dans le sang et la glycémie augmente. Le pancréas va alors produire davantage d’insuline, en vain, comme lorsqu’on élève la voix face à une personne sourde. Hélas, un taux élevé d’insuline stimule l’inflammation, qui à son tour augmente la résistance à l’insuline. Or, c’est aujourd’hui démontré, la résistance à l’insuline accroît fortement le risque de maladie neurodégénérative. En 2011, une étude japonaise menée sur un millier de personnes de plus de 60 ans révélait que les diabétiques ont un risque deux fois plus élevé de souffrir d’une démence. Une étude publiée en 2012 dans le New Scientist Magazine avançait qu’Alzheimer pourrait être une nouvelle forme de diabète, certains chercheurs parlant depuis de « diabète du cerveau » pour qualifier la maladie d’Alzheimer.

Des lésions vasculaires sont souvent observées dans la maladie d’Alzheimer. Trop de sucre dans le sang augmente la viscosité sanguine, endommage l’endothélium des vaisseaux, dénature la structure des protéines et perturbe le métabolisme des lipides. Pendant ce temps, on accuse le cholestérol, pourtant indispensable au fonctionnement cérébral ! Notre alimentation moderne excessivement riche en sucre n’arrange rien. Une autre étude publiée la même année dans le Journal of Alzheimer’s Disease nous apprend que les personnes qui consomment beaucoup de glucides ont un risque quatre fois plus élevé de développer un trouble du déclin cognitif.

Quant aux polluants environnementaux, ils sont lipophiles, ce qui signifie que si vous avez de l’embonpoint, ils seront facilement absorbés par les cellules graisseuses abdominales. Cette concentration dans nos tissus graisseux libère des cytokines inflammatoires qui bloquent l’activité de l’insuline. Il en résulte une hausse de la glycémie qui augmente la glycation des protéines, c’est-à-dire de la fixation des sucres sur des protéines. Ces dernières deviennent alors inutilisables par l’organisme. Ce sont autant de réactions enzymatiques, de synthèse de neurotransmetteurs et de réactions de régulation qui ne pourront plus se faire. Bien évidemment, ces protéines dénaturées iront s’accumuler dans les tissus – y compris le cerveau, accélérant les phénomènes d’oxydation et de vieillissement.
Des maladies réversibles ?

Une petite étude menée par l’université de Californie à Los Angeles, publiée dans la revue Aging, fait état de l’amélioration obtenue sur une dizaine de patients atteints d’un Alzheimer précoce. Au programme, travail sur l’alimentation et le sommeil, réduction de l’exposition aux toxiques, association de médicaments et supplémentation vitaminique, activité physique quotidienne et exercices de stimulation cérébrale, pratique du yoga et de la relaxation. Le résultat est limpide : des tests cognitifs améliorés et une augmentation de 10% du volume de l’hippocampe. Plusieurs études avaient auparavant montré qu’un mode de vie sain pouvait réduire le risque de maladie d’Alzheimer, de même que le sport et une bonne alimentation préviennent le risque cardiovasculaire, lequel est étroitement lié au risque de dégénérescence cérébrale. En somme, ce que préconise la naturopathie depuis toujours. Rien de nouveau sous le soleil. Sous le microscope, peut-être, et nous pouvons bien sûr nous en réjouir.



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