Lettreà Lucie
Depuisnotre rencontre dans mon pays, dans mon Ardèche, tu m'as oublié,
pas un seul message, pas une seule lettre... Pourquoi ce silence
depuis que tu es repartie à la fin de l'été dans ta Normandie ?
Tu te souviens, je t'avais même donné des timbres pour t'éviter
des frais, j'avoue qu'ils étaient oblitérés mais j'avais pris soin
de découper les dents pour que le postier les laisse passer.
Pourquoi ce silence ? Je t'ai vu heureuse tout l'été, nous en
avons bien profité... Il est vrai et j'assume que tout n'a pas été
parfait mais je n'en suis pas responsable Lucie ! Tu as voulu
plonger du barrage à Douce Plage, je regrette de ne pas t'avoir
prévenu que c'était la sécheresse, que le Doux était tari !
Heureusement que tu es retombée sur un banc de sable... Quelle
frayeur lorsque je t'ai conduit aux urgences place des Graviers,
comble de malchance le portes étaient fermées... Nous avons perdu
plus de trois heures, puis je me suis souvenu que cet hosto avait
déménagé il y a de nombreuses années... Tu t'en es bien sorti
quand même... Un peu le visage marqué, le menton enfoncé mais
avec tes lunettes rien ne se voyait. Le lendemain nous avons pris le
petit train à vapeur, ben oui c'est son nom « le Mastrou »
je n'y suis pour rien. Quelle erreur d'avoir pris ta robe blanche
très décolletée, arrivée à Lamastre tu ressemblais à un petit
ramoneur savoyard, heureusement que nous avons loupé le train pour
le retour. Net'inquiète pas on m'a remboursé les billets que tu avais gentiment
payés, je m'en suis acheté un tee-shirt. Que du bonheur ces
vacances d'été, un PV pour ne pas avoir payé le parking sur le
quai Farconnet, je t'assure que la veille ils étaient gratuits...
T'as pu voir le coté ballade des anglais avec toutes ces pizzerias
et restaurants alignés. Pas facile d'en choisir un... Je pensais te
faire plaisir en déjeunant sur la terrasse, mais tu n'arrivais plus
à respirer cette odeur de pot d'échappement et que dire du bruit
infernal de ces motos, si j'avais su nous aurions mangé sur la place
des Graviers, tu aurais pu visiter en payant le désert souterrain,
le seul endroit où tu peux circuler sans être gêné. Quelle
boulette lorsque je t'ai dit qu'il y avait la FNAC à Tournon, j'ai
confondu avec la Fédération Naturiste Ardéchoise des Cévennes.
Pour compenser cette ânerie je t'ai offert un kilo de chocolat
Valrhona, tu n'aurais jamais du les laisser quatre heures dans le
coffre par 40°, heureusement que l'on a pu récupérer au moins
l'emballage pour tes parents... Depuis ton départ j'ai écrit aux
deux maires pour qu'ils posent un panneau à l'entrée de la
passerelle... Ben oui ! Passer une heure à décoincer le talon
de ta godasse pris entre deux planches, j'ai pensé appeler les
pompiers mais... Il y a encore la marque sur la planche et j'y ai
gravé un petit cœur... Je t'avais promis que nous
participerions aux vendanges, je pensais qu'en juillet le raisin
était prêt, on a pu visiter les caves, mais tu te souviens de la
tête du vendeur lorsque tu as dégusté de nombreux crus... Tu lui
avais indiqué que ton père était négociant en vins en Normandie.
Puis nous sommes allés au Jardin d’Éden, tu connaissais le nom
des fleurs sur le bout des doigts. Quel beau bouquet de roses j'ai pu
t'offrir, non, non je les ai coupées pour quelles soient plus
fraîches et emballées dans le journal de Tournon-sur-Rhône en
souvenir des moments passés... Puis nous devions assister à un
concert sur le kiosque Pleynet place des Capucins, pourquoi a-t-il
été annulé ? Tu te souviens, on chantait la montagne de
Jean-Ferrat, je t'avais offert une carte postale, une glace à la
pistache... Ma carte bleue brûlait... Lesjours ont passé, l'heure est venue de nous séparer, des larmes ont
coulé comme pour la foire aux oignons. Je t'ai glissé quatre
picodons dans ta trousse de toilette, j'espère que depuis six mois
tu les as trouvés. Non, je ne souhaitais pas ton départ, la preuve,
je t'ai accompagné à la gare de Tournon pour prendre le TGV, puis
hier je me suis souvenu qu'aucun, train de voyageurs ne passaient en
Ardèche... C'est ballot quand même, demain j'irai me renseigner au
guichet pour voir si tu est bien arrivée dans ta Normandie... Pas de
chance la gare n'a plus d'âme, plus de vie... Je voulais te joindre
des photos de nos vacances, peux-tu m'envoyer une clé USB ?
J'attends de tes nouvelles, est-ce que tu viens pour les prochaines
vacances ? Je n'ai pas changé d'adresse Lucie...
JackyBACHER
PS :Peux-tu m'envoyer ton adresse et un timbre pour expédier ma
lettre...
