Je viens de passer l'après-midi avec deux documentaires proposés par Christine concernant les Celtes et les druides (très instructifs et intéressants). Au cours de ces documentaires, il est fait allusion à Bibracte, situé sur le Mont Beuvray. Je vais fréquemment me promener sur ce lieu, parmi les vestiges. C'est un soir d'automne, entre chien et loup, lorsque le site se couvrait de brume et que la pénombre prenait possession de cet endroit mythique, qu'il m'est venu à l'esprit cette image.
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Si Passepartout faisait partie de leurs excursions, cette fois ci elle fut incapable de les suivre sur le mont Beuvray, désert en cet après-midi d’automne. Les deux femmes discutaient peu, imprégnées par ces lieux mythiques qui rappelaient la triste destinée de la capitale des Eduens, appelée à disparaître après avoir connu des heures de gloire. Elles se croyaient seules, elles ne l’étaient pas. Dans les vestiges brumeux se tenait une assemblée fantomale. Un illustre Arvernes,
proclamé chef de la coalition, venait de réussir à regrouper sous son seul commandement les tribus gauloises en vue d’affronter les légions romaines. Le valeureux guerrier, fièrement campé sur un fougueux cheval, retenait les rennes d’une main et de l’autre brandissait une lance à la flèche pointée vers le ciel, cherchant à implorer la protection des Dieux. Déjà prise dans une auréole de gloire, sa chevelure dorée flottait sous un casque rutilant et sa moustache frissonnait sous les harangues muettes qu’il adressait à des guerriers vaporeux. Mais déjà les êtres éthérés
disparaissaient, attirés vers le lieu de leur dernier combat, les plaines d’Alise-Sainte-Reine.
Agnès, elle-même perdue dans les dédales du temps, ne rechigna pas à suivre le parcours emprunté par les courageux Gaulois. Malheureusement elles arrivèrent trop tard pour assister à la bataille. Après des semaines de siège, l’intrépide gaulois venait de se livrer à l’ennemi pour sauver ses hommes. Rien ne restait de la férocité du combat, si ce n’était des formes nébuleuses flottant dans la brume. Troupes silencieuses de guerriers au casque de fer, ils attendaient pour gagner l’infini le retour de leur chef, Vercingétorix, étranglé par son rival dans le cachot d’une prison romaine.
Les ombres qui s’étendaient sur les champs rappelèrent aux deux rêveuses qu’un cuisinier les attendait, emberlificoté dans un tablier aussi frivole que celui de la veille, reste de l’héritage d’une tante dont la coquetterie s’accommodait fort bien d’un embonpoint plantureux....
Extait de Pays d'ailleurs, partie III : Partout
Dernière modification le mercredi 13 Août 2025 à 16:52:48