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La saveur du pays

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La saveur du pays
Depuis une dizaine d’années Charly, comme l’appelaient tous ses clients, tenait une petite épicerie «  la saveur du pays » dans une petite ruelle de Carcassonne. Elle était plus que centenaire, le plancher craquait sous les pieds et l’odeur du fromage, de l’ail ou de la lavande vous frisaient les narines. Les heures passées à vendre ou à discuter avec les clients,  il ne les comptait plus, sept jours sur sept et douze mois dans l’année. Il lui arrivait même de livrer quelques courses, une bouteille de gaz en rentrant chez lui sans rien attendre au retour, il aimait trop son métier d’épicier. Lorsqu’il devait s’absenter sa femme prenait le relais. Chez Charly tu  pouvais prendre le temps, picoter un raisin ou demander conseil, pas besoin d’appeler un vendeur à l’accueil il était toujours présent. Il n’était même pas jaloux des grandes surfaces, à quoi bon se battre disait-il, on ne peut pas lutter ! Mais moi je donne un sac à mes clients et un joli stylo en fin d’année, c’est peu, mais ils sont heureux et pour moi c’est un signe de reconnaissance envers mes clients !
Le mercredi c’est jour du marché sur la petite place pas très loin de chez Charly et les clients sont plus nombreux…
Alors, madame Renaud ces rhumatismes ?
Vous savez Charly, je n’ai plus vingt ans et puis à 87 ans je ne vais pas me mettre à faire du tennis ou courir le marathon !
Pourquoi pas ? Regardez madame Benoît elle pète la forme !
Merci monsieur Charly, mais je n’ai que la soixantaine !
Mille excuses, je vous fais marcher… Si vous voulez vous faire plaisir aujourd’hui, j’ai reçu des melons de Cavaillon ils sont excellents, tenez goûtez !
Humm en effet, vous m’en mettez deux, après il n’y en aura plus, mais s’ils ont le goût de l’eau je vous les ramène…
Ok, ok madame Renaud…
Hé ! Monsieur Charly, regardez dehors, regardez ce gamin, il vous pique des fruits ! Dépêchez-vous il va se casser…
Ne vous inquiétez pas Madame Benoît…
Je vous aurais prévenu, un jour c’est un fruit demain c’est la caisse, il faut être vigilant avec ces gamins et puis pourquoi il n’est pas à l’école ?
Nous sommes mercredi, il ne vole rien, il trie les déchets de fruits et légumes et puis il a peut-être des lapins ! Merde, pauvre gamin, il les mange… Pas possible cette misère de nos jours et dire… pff, ça me révolte.
Charly donnez lui un de mes melons, appelez le !
Si vous commencez à lui donner aujourd’hui vous l’aurez tous les jours à votre porte Charly et méfiez-vous Madame Renaud il peut vous suivre…
Vous voyez le mal de partout madame Benoît, comment voulez-vous que les jeunes s’entendent avec les anciens… Voilà vous l’avez fait fuir !
Demain je le surveillerais et j’essayerais de lui parler, c’est peut-être un gosse en détresse, vous avez vu comme il est maigrichon ! Pff, bouffer les ordures il faut vraiment manquer de nourriture…
Je vous ne le fais pas dire Charly, oula ! madame Benoît vexée, elle est partie. Vous allez perdre une très fidèle cliente.
Ne vous inquiétez pas demain elle sera là, car ce n’est pas dans une grande surface qu’on lui fera crédit comme chez moi !
Quelle prétentieuse et elle ferait la morale aux autres, je n’aurais jamais pensé qu’elle ne puisse pas payer ses courses, hum ! C’est bien de savoir…
Pitié madame Renaud ne lui dites surtout rien…
N’ayez crainte mon petit Charly vous êtes adorable et tenez-moi au courant pour ce gamin si vous le revoyez… Vous m’écoutez ?
Promis, promis et n’oubliez pas vos melons ! Sinon je les revends !
Ce gamin des rues intriguait cette adorable mémé et tous les jours elle demandait à Charly s’il ne l’avait pas aperçu. Peut-être n’était-il que de passage… Puis un jour, alors qu’elle commençait à l’oublier, le gamin était devant la boutique à farfouiller de la nourriture dans les cagettes et dans la poubelle. Charly ne perdit pas une seconde.
Hé gamin, ne mange pas ça… Ce n’est pas sain, tu veux…Attends ! je ne te veux pas de mal, je souhaite t’aider… Moi aussi je veux t’aider cria très fort madame Renaud… Le gamin marqua un temps d’arrêt puis s’approcha lentement de l’épicier pour lui rendre ce qu’il avait trouvé dans la poubelle. Madame Renaud en avait les larmes aux yeux.
Quel beau gamin, on dirait un ange, mais depuis quand porte-t-il ces vêtements crasseux ? C’est horrible… Comment t’appelles-tu ? Pas de réponse… Tu peux me le dire je ne suis pas de la police… Pas de réponse… Tu as perdu ta langue ? Doucement Charly il est peut-être timide, fragile. Le gamin s’avança du comptoir pour prendre le carnet et un stylo puis se mit à écrire… Merci, mais… je suis sourd et muet, pardonnez-moi de ne pas vous comprendre, je m’appelle Thomas… Puis il regagnait la sortie lorsque Charly lui tapa sur l’épaule et lui mima des gestes de rester quelques minutes pour boire et manger et le gamin ne se fit pas prier pour dévorer pain, jambon et pâté campagnard. Puis il lui proposa des vêtements et un sac de sport de son fils, mais Thomas écrivit de nouveau, merci à vous, pour votre générosité, c’est beaucoup trop et j’habite à sept kilomètres mais je n’arriverais jamais à tout emporter…
Ce n’est pas un problème Thomas, Charly va t’accompagner à midi et puis passez chez moi, j’ai pleins de trucs à te donner.
Superbe idée madame Renaud dans une heure nous sommes chez vous…
Thomas semblait très gêné par cette gentillesse exceptionnelle à son égard, puis comme promis vers midi après avoir passé chez madame Renaud il prit la route avec Charly. Difficile d’entendre, de se faire comprendre alors il mimait au  maximum les gestes… Au bout de quelques kilomètres Thomas demanda à son chauffeur de le déposer à l’orée d’un bois et qu’il continuerait à pied… Impossible répliqua Charly c’est beaucoup trop lourd et timidement Richard céda.
Au bout d’un chemin de terre détérioré par les orages se trouvait la maison de Richard. Charly n’en croyait pas ses yeux ! C’est là que tu habites ? Dans cette vieille cabane ? Oui, oui répondit Richard, venez prendre un café ! Charly restait sans voix, ce pauvre gamin habitait dans une pièce de dix mètres carrés, une chaise, une table et une paillasse posée sur le sol, pas d’eau, pas de toilette ni d’électricité… Comment peux-tu vivre ici, c’est insalubre et trop isolé ?
Tu n’as pas le droit, tu es jeune et l’école ? Richard prit à nouveau son carnet et crayon, j’ai 18 ans monsieur, regardez ma carte ! Oh putain ce n’est pas possible, tu es tellement maigre que je te donnais 14 ans et encore bien payé…Et ta famille elle est où ? Richard d’une écriture tremblante écrivait, à ma majorité ils m’ont viré de la maison et ils sont partis dans un pays sans laisser d’adresse, j’ai dû arrêter l’école et je me retrouve à la rue…
Les enfoirés, ce sont des monstres tes parents… Et Richard continuait d’écrire… Monsieur Charly merci, ne dites pas à la police que je suis ici, cette cabane n’est pas à moi, je suis désolé pour le café… Tu ne vas pas t’excuser, remonte avec moi on va voir le maire pour t’aider en plus je le connais bien.
Une nouvelle fois Richard ne se fit pas prier, le Maire lui trouva un foyer d’accueil, puis un travail et tous les soirs il passait saluer Charly et il lui aidait à ranger les rayons. Il aimait aussi partir avec lui chez le grossiste en fruits et légumes. Une complicité était instaurée et Charly et son épouse l’aimaient comme leur fils.


Dernière modification le lundi 13 Novembre 2017 à 14:00:23
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